Histoire de l’horlogerie : les coucous
Qui n’a jamais attendu, fasciné, devant l’une de ces pendules en bois sculpté rappelant les chalets de la Forêt-Noire, que sonne l’heure et sorte le coucou, cou-cou, cou-cou ?
Vous les trouvez kitch ? Nés au XVIIe siècle dans les montagnes du sud-ouest de l’Allemagne, issus d’une inventivité et d’un savoir-faire sans pareil en Europe à la même époque, les coucous, ces légendaires horloges à balancier au carillon si particulier, n’ont certainement pas fini de nous émerveiller…
Au XVIIe siècle, au cœur de la Forêt-Noire…
Pour les habitants des montagnes de la Forêt Noire, soumis à des conditions de vie très rudimentaires et à des hivers rigoureux, l’horlogerie est d’abord un moyen de survie, un complément de salaire à une époque de l’année où les conditions climatiques rendent impossible leur travail chez les riches fermiers de la région. Ces « Haüsler », privés de la terre familiale dont, par tradition, n’héritait que le fils aîné, sont fascinés par les horloges que ramènent de Bohème les voyageurs de commerce. Les leurs sont d’abord des pendules sommaires, dotées d’un mécanisme en bois et d’une seule aiguille, qui évoluent très vite et s’enrichissent d’une petite aiguille et de décorations peintes sur le cadran. Les ouvriers se spécialisent : qui travaille le bois, qui se charge des boîtiers, qui s’occupe des décorations en les agrémentant, peu à peu, de figurines en mouvement – jusqu’à la première horloge à coucou, créée en 1738 par Franz Ketterer. Les horlogers de la Forêt Noire ont alors atteint un tel niveau de spécialisation que c’est l’un d’eux, Friedich Eisenlohr, qui remporte un concours lancé en 1850 pour renouveler les formes traditionnelles des pendules. Ce constructeur de chemins de fer s’est inspiré de ses activités professionnelles pour créer la fameuse guérite de garde-barrière qui orne aujourd’hui de nombreux coucous.
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Du coq au coucou
Le concept d’horloge ou de pendule à coucou s’inspire en fait de la tradition des horlogers d’Augsbourg et de Nuremberg, qui avaient l’habitude d’agrémenter leurs horloges aussi bien d’automates que de mécanismes musicaux comme des carillons ou des clavecins. Pour imiter le chant du coucou (choisi entre tous les oiseaux car pouvant facilement être reproduit par des moyens artificiels, contrairement au chant du coq), Franz Ketterer s’est servi de deux soufflets émettant deux types de son, sur le modèle du fonctionnement des orgues d’église. Toutes les heures et demi-heures, ainsi, la petite porte en bois des horloges de Ketterer s’ouvrait, laissant un passer un oiseau sculpté et carillonnant « coucou ! coucou ! » Ces pendules connaissent très vite un immense succès dans l’Europe entière, où les colporteurs originaires de Forêt Noire en font, chaque été, un commerce fructueux.
Les différentes figures d’un véritable artisanat
C’est ainsi que, depuis le XVIIIe siècle, les horloges à coucou sont passées maîtres dans l’art d’associer tradition et inventivité. Elles ont pris, au fil des siècles, différents aspects, inspirés des paysages et du mode de vie propres à la Forêt Noire. Les plus classiques reproduisent la forme d’un chalet de montagne, avec des balcons sculptés et des figurines travaillant le bois. Les automates se multiplient, entre les colporteurs, les paysans, les bûcherons, les femmes en costume traditionnel sonnant la cloche pour le repas… C’est dans leur région d’origine, celle de Triberg, qu’aujourd’hui encore on trouve les coucous les plus spectaculaires, avec animaux divers, roues de moulin, fumée s’échappant des cheminées, buveurs attablés autour de pintes de bière… Tandis que les collections du musée allemand de l’Horlogerie, à Futwangen, renferment certains des coucous les plus anciens au monde. Aujourd’hui, l’industrie des pendules à coucous reste prospère, superposant, à l’artisanat séculaire de la construction des horloges en bois (ornées de sculptures réalisées, comme autrefois, dans du tilleul ou du bouleau) toutes les techniques de l’ère moderne en ce qui concerne mécanismes et boîtiers.